Aujourd’hui, nous passons des contreforts des plus hauts sommets des Alpes françaises à la plaine de la Bresse. C’est un grand changement de décor pour le peloton !
La majeure partie de l’itinéraire d’aujourd’hui suit des vallées profondes creusées par d’anciens glaciers alpins. Ces vallées sont aujourd’hui occupées par l’Isère et ses affluents. De part et d’autre des vallées, on peut observer des strates déformées de calcaires et de marnes ressemblant à des gâteaux de couches pressées. Contrairement à la plupart des roches que nous avons vues au cours des trois dernières étapes, ces couches sont à peine transformées par la chaleur et la pression. Elles n’ont été que légèrement plissées. En effet, nous quittons maintenant le cœur des Alpes, où les roches ont été enfouies et considérablement modifiées par les fortes contraintes de la collision entre les plaques eurasienne et africaine.
Une nappe ?
Les roches légèrement plissées que nous voyons aujourd’hui se trouvent tout au long de la bordure extérieure des Alpes. Elles correspondent à des couches marines repoussées de la zone de collision, sur la plaque eurasienne. En géologie, on les appelle « nappes », comme une nappe qu’on met sur une table. On peut les imaginer comme une couverture poussée lentement sur les roches du socle eurasien.
Un changement radical
Les couches marines plissées remontent aux périodes jurassique et crétacée, il y a 200 à 66 millions d’années. Si vous avez vu Jurassic Park, vous savez probablement que c’était l’époque des dinosaures. Mais saviez-vous que le mot « jurassique » vient du Jura ? Nous atteignons aujourd’hui son extrémité méridionale après avoir traversé le Rhône ?
Ces roches marines sont les vestiges de mers peu profondes et de bassins plus profonds qui s’étendaient autrefois le long de la marge méridionale de l’Eurasie. Ils ont disparu lors de la collision entre les plaques eurasienne et africaine, il y a 60 à 50 millions d’années.
Les dinosaures ont laissé plusieurs traces impressionnantes dans le Jura. Certains d’entre eux ont apparemment apprécié le dépaysement en marchant le long de la mer. Ils ont laissé à jamais leurs gigantesques empreintes sur les vasières côtières ! (Plus d’informations à ce sujet demain !)
Vous ne trouverez pas beaucoup de fossiles de dinosaures terrestres dans ces couches. Cependant, il existe de nombreux reptiles marins tels que les ichtyosaures géants et les plésiosaures. Ils ont nagé dans cette belle mer tropicale. Il y a aussi beaucoup d’ammonites. Vous vous souvenez de ces mollusques fossiles emblématiques aux coquilles spiralées qui ont disparu à la fin du Crétacé ? (Voir également l’étape 7).
Une pincée de sel
Nous quittons enfin le Jura pour rejoindre les plaines du bassin de la Bresse. Ici, les rochers intéressants se trouvent juste sous nos pieds. Les carottes sédimentaires nous apprennent que depuis l’assèchement des mers peu profondes du Crétacé, le bassin de la Bresse est principalement occupé par de vastes lacs salés. Pendant une partie de l’Oligocène, il y a 34 à 23 millions d’années, ces lacs étaient reliés à d’autres lacs saumâtres dans la vallée du Rhin, plus au nord, et en Provence, plus au sud. Ensemble, ils formaient une longue ceinture d’eau reliant la mer Méditerranée à la mer du Nord.
Ces anciens lacs sont célèbres pour leurs nombreux insectes fossiles, leurs calcaires papyracés et leurs épais lits de sel et de gypse. Dans la région de la Bresse, jusqu’à 1,2 km de dépôts de sel au centre du bassin sont aujourd’hui invisibles. Ils se trouvent sous des sédiments plus jeunes. Notre peloton ne les remarquera pas pendant la course vers la ligne d’arrivée. Ils ne verront que le sel qui recouvre leur maillot à cause de la chaleur de l’été et ne remarqueront que le changement radical de paysage.