Étape 5 : Le rock

Le parcours de la course d’aujourd’hui sera très intéressant. Littéralement. L’histoire géologique du Tarn et de l’Aveyron au rythme de vos pas, ou de vos roues.

Au cours de l’étape d’aujourd’hui, le peloton traverse les paysages fantastiques des départements de l’Aveyron et du Tarn. Le long de l’itinéraire, vous verrez des formations rocheuses exposées dans de grandes falaises. Elles sont le résultat de l’érosion des rivières Aveyron, Dourdou et Tarn qui ont profondément entaillé les archives géologiques régionales. Le cours de ces rivières est même en partie déterminé par la géologie. Ils suivent de grandes failles dans le sous-sol ou les bords d’anciennes coulées de lave.

Comme vous le savez maintenant, l’orogenèse varisque a façonné une grande partie de la France et de l’Espagne. L’orogenèse varisque résulte de la subduction complète et de la fermeture d’un bassin océanique (l’océan Rhéique) et de la collision d’anciens continents. Nous avons l’Armorique, le Gondwana et la Laurasie. Cette collision a formé le supercontinent Pangea, littéralement « terre entière ». Ah bon, vous le savez très bien maintenant.

Le long de l’étape d’aujourd’hui, nous trouvons des vestiges de cette ceinture montagneuse dans l’Aveyron et le Tarn. Si vous attendez le peloton le long des routes, regardez autour de vous. Vous reconnaîtrez peut-être les roches de la ceinture montagneuse.

Métamorphose

Les roches sédimentaires métamorphosées se sont déposées dans l’océan Rhéique sous forme de sable, d’argile ou de calcaire. Lors de la formation de la ceinture montagneuse, ces roches sédimentaires, qui étaient à l’origine déposées horizontalement, ont été brisées et pliées. Vous pouvez maintenant constater que leurs couches sont verticales, voire à l’envers. De plus, ils ont été enterrés, soumis à d’énormes pressions et chauffés.

Le rock
Schiste utilisé comme matériau de couverture dans le Massif central. Source :

Leurs composants chimiques ont été réarrangés pour former de nouveaux minéraux. L’argile s’est transformée en schiste qui est très plat et brillant. Le grès est devenu du quartzite qui est très dur et qui raye le fer. Essayez avec une clé ou un couteau de poche. Le calcaire est devenu le marbre : blanc, semblable à du sucre, dur et utilisé pour la construction et la sculpture. Les minéraux contenus dans ces roches indiquent aux géologues à quelle pression et à quelle température les roches ont été soumises, ce qui permet de déduire la profondeur à laquelle elles ont été enfouies. Il s’agit souvent de dizaines de kilomètres !

Mais nous continuons à le faire avec des roches provenant du fond de l’océan Rhéique (lien vers le blog). Ce plancher océanique a été formé par le volcanisme au niveau d’une dorsale médio-océanique. Bien que la majeure partie de ce plancher océanique ait été subductée, de petits morceaux de quelques centaines de mètres ou kilomètres de matériel océanique sont restés froissés entre les deux gigantesques masses continentales. Nous connaissons également ce type de matériel dans d’autres ceintures montagneuses telles que les Alpes.

Le rock, c’est dur !

Nous pouvons même voir de nos propres yeux la base de la croûte océanique et la transition vers le manteau sous-jacent. Cette transition, normalement inaccessible aux géologues car située à six ou huit kilomètres de profondeur sous le plancher océanique, est connue sous le nom de « discontinuité de Mohorovičić », ou Moho. Elle est exposée dans la zone de Najac de l’étape d’aujourd’hui. Vous reconnaîtrez peut-être ces roches comme des roches noires très lourdes avec de légères traînées vertes.

Roches océaniques métamorphisées de la région de Najac, Aveyron. Source.

Enfin, vers la fin de sa formation, la ceinture montagneuse varisque a été recouverte par de grands volcans, sous lesquels se sont formées de grandes chambres magmatiques. Les volcans ont disparu en grande partie à cause de l’érosion, mais les chambres magmatiques subsistent sous forme de granites (granites de Sanvensa, Rieupeyroux). Les granites se reconnaissent à leurs roches blanches et dures, sans couches claires, dont les minéraux peuvent mesurer plus d’un centimètre de large. Egalement un excellent matériau de construction !

Changement climatique majeur

La phase d’édification des montagnes du Variscan s’est achevée au Carbonifère. Cette période a été caractérisée par la végétation la plus luxuriante de l’histoire de la terre. C’est à cette époque que sont apparues de nombreuses plantes, les premières grandes forêts et les premiers marais tropicaux.

Illustration de Mary Parrish © Smithsonian Institution

Dans ces marécages poussaient des plantes qui nous étaient presque totalement étrangères par rapport à celles qui vivent aujourd’hui. Ils contiennent des espèces de mousses et de fougères prêles ainsi que les premières plantes à graines (gymnospermes) comme les conifères et les fougères à graines.

Entre-temps, la ceinture montagneuse varisque a commencé à s’effondrer sous son propre poids, comme un plum-pudding. Les vallées se sont formées le long de grandes failles orientées nord-sud. Dans ces vallées, des dépôts se sont produits et les restes de plantes se sont accumulés dans d’épaisses couches de tourbe, qui ont ensuite été enfouies et compactées en charbon. En français, le charbon est du carbone.

Rougier de Camarès, Aveyron. Source :

Après la période de formation du charbon au Carbonifère, le climat au cœur de la Pangée est devenu plus sec. À la place des forêts tropicales, un vaste désert a commencé à se former. Le paysage de la France permienne devait ressembler au Sahara. Dans ce désert se sont formés des grès et des argiles contenant du fer oxydé qui rend les roches rouges (d’où le nom de la région du Rougier). Les sédiments continentaux du Rougier se sont déposés dans des lacs, des marécages et des rivières et proviennent de la forte érosion de la ceinture varisque.

L’histoire à vos pas

Enfin, la partie du sud de la France que nous voyons aujourd’hui a été envahie par la mer lorsque la Pangée a commencé à se disloquer, il y a environ 200 millions d’années. Le long de l’étape, on peut voir les calcaires des Causses. Ils sont les témoins d’une mer tropicale peu profonde qui recouvrait une partie de l’Aveyron au Jurassique, il y a 200 à 145 millions d’années. Ils sont aujourd’hui exposés à une altitude de 500 à 1000 m au-dessus du niveau de la mer, suite au soulèvement qui a formé le plateau du Massif central. Il a depuis été érodé par le Tarn et l’Aveyron, ce qui a donné le paysage que l’on voit aujourd’hui et a permis à notre « rock it ride » de boucler la boucle.

Gorges de l’Aveyron avec falaises calcaires. Source :

Alors si vous vous trouvez aujourd’hui le long de la route pour encourager le peloton, faites un petit voyage dans le temps et regardez autour de vous pour voir où vous en êtes dans l’histoire géologique de la France ! Dans les marbres à sucre blanc ou les schistes platineux brillants qui ont formé l’orogène varisque ? Ou les granites épais qui ont formé d’anciennes chambres magmatiques ? Dans les charbons du Carbonifère, le désert du Permien ou les mers tropicales peu profondes du Jurassique ? Mais n’oubliez pas de remonter dans le temps, sinon vous manquerez la course ! Faites du rock !

Pionnier : Martine de Bertereau

Le charbon a été l’une des premières ressources exploitées en France, avec le fer par exemple. La mine a joué un rôle important dans le développement de l’économie et de l’industrialisation de la France. Il s’appuie sur plus d’un siècle d’exploration géologique, sous l’impulsion notamment de Martine de Bertereau.

Martine de Bertereau, également connue sous le nom de baronne de Beausoleil (littéralement « Beau soleil »), est la première femme géologue et ingénieur des mines de l’histoire de France. Elle et son mari Jean de Chastelet ont été nommés en 1601 par le roi Henri IV. Après l’assassinat du roi, ils voyagent à travers l’Europe pour développer l’exploitation minière. Ils ont même traversé l’Atlantique pour visiter les mines de Potosì, dans l’actuelle Bolivie.

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Source.

De retour en France en 1627, ils sont victimes d’un vol. Ils s’installent en Allemagne, mais reviennent et se retrouvent à la cour de Louis XIII, le père du Roi-Soleil, en 1630. La baronne publie en 1640 La restitution de Pluton, dans laquelle elle explique les connaissances minières qu’elle a acquises par l’expérience directe et la pratique dans de nombreux endroits du monde. Il est écrit sous forme de poème et adressé au cardinal de Richelieu, ministre des finances, afin d’obtenir de lui un soutien financier et politique pour l’œuvre qu’elle a accomplie.

La science en poésie

Elle a énoncé les cinq règles suivantes nécessaires pour apprendre à reconnaître les endroits où les métaux « poussent. La première, par l’ouverture de la terre, qui est la moins importante ; la deuxième, par les herbes et les plantes qui poussent au-dessus ; la troisième, par le goût des eaux qui proviennent de ces lieux ; la quatrième, par les vapeurs qui s’élèvent dans les montagnes et les vallées à l’heure de l’aube ; la cinquième et dernière, au moyen de seize instruments métalliques et hydrauliques, qui sont utilisés au-dessus pour trouver les gisements de minerais et les eaux souterraines.

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Illustration par Eleonora Adami, Ph.D., Sci-Illustrate Stories

Mais dans La restitution de Pluton, la baronne a également exprimé ses griefs concernant le vol de 1627. Le livre et la demande d’argent pour le travail qu’elle a réellement effectué ont dû gêner Richelieu. Ils ont été accusés de sorcellerie. Il ordonne l’arrestation de la baronne et de son mari.

La baronne de Beausoleil est emprisonnée avec l’une de ses filles à Vincennes tandis que son mari est détenu à la Bastille, la tristement célèbre prison de Paris. Il n’y a jamais eu de preuve. Ils n’ont participé à aucune activité mythique ou de sorcellerie. Les deux hommes avaient simplement une bonne connaissance des bases de la chimie, des premières connaissances en matière d’interprétation des roches et de la terre qui les entourait. Ils ont convaincu les gens qu’ils participaient à des activités mythologiques, alors qu’ils ne faisaient que de la science.

Après sa mort en 1642 (sans que l’on sache exactement quand) et celle de son mari en 1645, alors que tous deux sont encore détenus, la France retombe pour des décennies dans l’ignorance des techniques minières. La recherche scientifique a parfois un prix très élevé……mais soyons honnêtes, la baronne a assuré !

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